ENVOLEUSES, ENVOLEURS, BONSOIR
Après une assez longue période d’absence épistolaire, je reprend de nouveau mon stylographe pour coucher ces quelques lignes fugitives qui goutteront elles à la liberté dont me prive un État qui ne cesse de déclamer ce mot apanage de sa devise. Je suis toujours à l’écoute de votre émission et suis avec intérêts vos débats.
Je tiens à réagir par rapport à l’assassinat de deux prisonniers de la centrale d’Arles ainsi que les blessures infligées à l’un des candidats à l’évasion de cette contrée morbide qu’est la prison. Les crimes commis par cette engeance sanguinaire qu’est l’armée pénitentiaire (et ce néologisme n’est pas une coquille mais est voulu) sont un signal donné à tout nouveau fugitif. L’AP a montré son vrai visage et clairement annoncé la couleur de sa future politique : le rouge. Ces assassinats lâches doivent faire prendre conscience à tou(te)s les prisonnier(e)s, la véritable nature de ce système d’extermination des esprits libres, et renforcer la vigilance à l’égard des chiens de garde de la république qui se sont octroyés le permis de tuer (permis à points pour les moins réfractaires au système, permis tout court pour ceux pour lesquels la liberté n’est pas un vain mot). Tou(te)s les prisonnier(e)s doivent comprendre qu’ils sont tous des cibles potentielles et que s’ils se retrouvent un jour ou l’autre dans la li gne de mire de l’AP, ils subiront le même sort que nos compagnons d’infortune, morts pour recouvrer leur droit le plus fondamental et inaliénable. Leur sacrifice ne doit pas refroidir nos aspirations à la liberté et nous faire courber l’échine ; mais au contraire inviter à une plus grande solidarité et à faire un front commun impitoyable (en faisant abstraction de nos différences et nos divergences) contre les exécutants d’une politique sécuritaire qui derrière un vernis aguichant démocratique cache mal des velléités totalitaires. L’union des prisonnier(e)s est la seule issue qui subsiste pour défendre les droits qui ne cessent d’être rognés jour après jour et qui ont été conquis par la lutte acharnée et le sacrifice de tant de nos semblables qui nous ont précédés dans ces mêmes lieux de désolation et d’annihilation physique et psychique.
Il est grand temps de délaisser son petit raisonnement égocentrique et prendre part à une vision plus globale de ce qu’est la prison et de ce qu’elle représente avant que la destruction des rares liens qui demeurent encore entre les prisonnier(e)s ne soit irréversible et que la réalité de la prison ne devienne la vision cauchemardesque d’une matrice constituée de cellules isolées de destruction des individus que la société a jugé irrécupérables. La situation dans le monde libre sous surveillance doit éveiller la conscience des prisonnier(e)s et leur faire clairement comprendre que leur sort, à l’abri des regards, est certainement encore moins enviable et plus morbide.
Je dédie le poème suivant de Ma’rouf Al-Raisafi (1875-1945) poète irakien à l’ensemble des prisonnier(e)s et à leur famille et leurs proches et particulièrement ceux des prisonnier(e)s assassiné(e)s ou victimes de la barbarie de l’armée pénitentiaire (AP).
Je salue tou(te)s les prisonnier(e)s et leurs proches qui les soutiennent vaille que vaille.
Je salue particulièrement Fathi, Cyril, Christophe, Mounir, Bébé, Francky, Yahia, Taki Taki, Jean-Claude (dans la cave au lance-flammes !) et tous les poteaux qui me reconnaîtront et que j’ai omis de citer.
Salutations à tou(te)s les prisonnier(e)s basques, corses et politiques.
Pensée particulière à tous ceux et toutes celles qui sont au mitard et à l’isolement.
A bientôt
Soleyman